Comité d'Hygiène, de Sécurité

et des Conditions de Travail

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BILAN DE L’ENQUÊTE du SNES-FSU Versailles « Travail en situation de confinement »

19/04/2020 par F3SCT (Formation Spécialisée Santé Sécurité Conditions des Travail) – Académie de Versailles

Le 12 mars, Jean-Michel Blanquer déclarait que les établissements scolaires resteraient ouverts. Quelques heures plus tard, Emmanuel Macron annonçait leur fermeture. Pendant sa tournée médiatique du week-end suivant le ministre de l’Éducation Nationale déclarait : « Tout est prêt pour l’enseignement à distance ». Dans le même temps, la rectrice de l’académie de Versailles enjoignait les personnels à se rendre dans leurs établissements, le lundi 16 mars.

Le SNES-FSU est intervenu dès le week-end du 14-15 mars pour exiger un cadrage clair et des consignes cohérentes et obtenait finalement l’annulation des déplacements imposés et des réunions prévues dans les établissements. Il agit depuis afin que la priorité soit axée sur la santé des personnels et des usagers, en demandant que l’accueil des enfants des soignants soit fait dans des conditions sanitaires correctes et sur la base du volontariat. Depuis lundi 13 avril, jour de l’allocution présidentielle lors de laquelle a été posée la date du 11 mai comme celle du début du déconfinement progressif, le SNES-FSU agit pour que la réouverture des établissements scolaires ne puisse être décidée que si des conditions sanitaires satisfaisantes et cadrées nationalement peuvent être assurées et des règles strictes d’hygiène appliquées (voir l’article du SNES national).
=> Le SNES-FSU met en avant le fait que la santé et la sécurité des personnels, des usagers et de l’ensemble de la population prévalent sur toute autre considération.

Après plus de trois semaines de fermeture des établissements scolaires et de suivi pédagogique à distance, la section académique du SNES-FSU a interrogé les enseignants à propos de leurs conditions de travail pendant cette période.
Plus de 300 collègues avaient répondu à cette enquête le 15 avril. Voici, à la veille de la reprise de la mise en œuvre de cette fameuse « continuité pédagogique » plusieurs éléments significatifs.

 Pression de l’institution et remise en cause de la liberté pédagogique


Près de 40% des collègues considèrent subir au cours de cette période davantage de pressions. Si l’institution (Ministre, Rectrice, chefs d’établissement) n’est pas la seule à être désignée comme étant à l’origine de cette pression, ce sont bien évidemment au départ les déclarations pleines de certitudes du Ministre qui sont à l’origine des pressions subies, d’où qu’elles aient pu venir ensuite.
Avoir laissé croire que tout était prêt pour l’enseignement à distance, ne pouvait que faire naître, de tous côtés, des attentes et exigences démesurées, qui pèsent sur les personnels - et sur les élèves et leurs familles d’ailleurs - et que ceux-ci attribuent alors aussi bien au Ministre, à la Rectrice, ou à leur chef d’établissement qu’aux parents, aux élèves… ou encore à eux-mêmes !
Les pressions portent aussi sur la manière d’exercer ses missions. Plus de 60% des collègues ont ainsi reçu des consignes de leur chef d’établissement concernant le rythme ou le contenu du travail à donner aux élèves. Si pour beaucoup, ces consignes s’apparentaient à des conseils et se sont discutées collectivement, certains collègues ont eu à faire face à des injonctions totalement inadaptées (voir quelques commentaires ci-dessous).

Le SNES-FSU l’a rappelé à plusieurs reprises : pendant cette période, comme pendant le reste de l’année, chaque enseignant étant concepteur de son métier, c’est bien la liberté pédagogique qui doit prévaloir aussi bien dans le contenu, la régularité du travail proposé que dans les outils numériques utilisés. Il a notamment été demandé à près de 70% des enseignants ayant renseigné l’enquête de contacter régulièrement les familles, selon des modalités variables en fonction des établissements. Le SNES-FSU le rappelle, le contact avec les familles, sa fréquence et l’outil utilisé, ne peut être imposé, c’est l’enseignant qui choisit les modalités qui lui paraissent les plus appropriées dans le cadre de sa liberté pédagogique (voir notre article Continuité pédagogique : que peut-on et que doit-on faire ?.

A côté de cela, 38% seulement des collègues indiquent avoir reçu, parfois tardivement, des consignes des IA-IPR pourtant plus habilités que les chefs d’établissement à émettre un avis quant à la manière d’assurer l’enseignement à distance. Cela peut paraître peu, dans une période où un accompagnement paraît plus que jamais nécessaire. Le SNES-FSU a d’ailleurs dénoncé des déséquilibres entre disciplines, et le contenu parfois peu approprié des conseils délivrés.

Commentaires : « Nombreuses injonctions contradictoires », « Beaucoup d’ordres et de contre-ordres », « Insupportable pression pour mettre en place des classes virtuelles », « Pression pour appeler les familles et remplir des fichiers inutiles, chronophages et redondants », « Demandes à la limite de l’injonction contradictoire sur la quantité de travail, les méthodes et moyens techniques déployées par les équipes pédagogiques. », « mails incessants de l’IA-IPR sur « les bonnes pratiques pédagogiques » sans aucune empathie ou humanité. ».

  Charge de travail accrue et conditions de travail dégradées

L’alourdissement de la charge de travail, que soulignent plus des deux tiers des personnels ayant répondu, résulte, lui aussi, des pressions sur les personnels, sommés de faire face, très rapidement, à une situation totalement inédite, en passant, en 48h, à l’enseignement à distance.
La quasi-totalité des collègues ayant répondu ont estimé nécessaire d’adapter les contenus (plus de 90%) et s’y sont astreints, tout en jugeant, en très large majorité, cette adaptation particulièrement chronophage. L’enseignement à distance ne s’improvise pas ! (voir article du site national du SNES-FSU).

L’alourdissement de la charge de travail résulte aussi et surtout, bien entendu, des conditions peu satisfaisantes dans lesquelles le travail doit être effectué.

80% des collègues indiquent avoir rencontré des difficultés techniques. Ces difficultés étaient pour beaucoup liées aux ENT (ne pouvant supporter le nombre de connexions simultanées). Tout n’était donc pas prêt contrairement à ce qu’annonçait le Ministre. Tout en exigeant l’impossible, l’institution n’a pas été d’un grand secours : plus de la moitié des collègues ne se sont vu proposer aucune aide.
Malgré les difficultés techniques rencontrées avec les ENT, c’est la solution privilégiée par la très grande majorité des collègues (81%). Parmi ceux qui ont répondu à l’enquête, une très faible proportion s’est tournée vers des solutions privées mais fonctionnant immédiatement (3,5% indiquent utiliser Discord). Il aura fallu attendre le samedi 31 mars pour que le ministère de l’Éducation Nationale informe les collègues à propos du RGPD, précise quelles solutions étaient utilisables dans ce cadre et mette en avant les risques liés à l’utilisation de certaines plate-formes. Dès le début de la période de confinement, le SNES-FSU a alerté l’Administration sur les problèmes posés par l’utilisation des solutions privées et sur la nécessité de respecter le RGPD.
La mise à disposition de matériel n’a concerné qu’une part minoritaire des personnels (moins de 18%) et quand du matériel a été fourni par l’institution, c’est souvent parce qu’il l’avait été en amont de la crise sanitaire. L’usage du matériel personnel pour un usage professionnel pose aussi problème. Si les collègues disposent pour la plupart d’entre eux d’un ordinateur personnel (près de 95%), plus d’un quart n’ont ni connexion ni imprimante et, à relier certainement avec le coût du logement en Île-de-France : la moitié seulement disposent d’une pièce leur permettant de s’isoler et d’une chaise de bureau ! Le SNES-FSU revendique une prime d’équipement pour tous les personnels de l’Éducation Nationale.

  Maintien du lien pédagogique : quelle efficacité ? Inégalités entre élèves décuplées

Les collègues qui ont répondu conçoivent d’abord leur rôle dans la période comme consistant à maintenir le lien entre les élèves et l’école (pour deux tiers d’entre eux). 17% seulement ambitionnent poursuivre, voire terminer le programme. Il faut dire aussi que moins d’un quart jugent le lien établi avec les élèves et les familles satisfaisant, quand 56% constatent l’irrégularité de ce contactLa continuité pédagogique, qui s’apparente, au mieux, à la gestion de la discontinuité, ne se décrète pas ! (voir article du site national).

Un point ne fait pas débat : 95% des collègues ayant répondu estiment que les écarts entre les élèves vont se creuser. Que le Gouvernement ait mis en avant le fossé qui se creuse pour amener l’idée d’une reprise à partir du 11 mai n’est alors pas étonnant.
Plusieurs facteurs sont identifiés comme étant à l’origine du creusement de ces inégalités (inégalités sociales ou scolaires, outils numériques, disponibilité des parents), tous déjà présents avant la crise sanitaire, et auxquels des réponses en termes de moyens doivent être apportés. Il ne suffit pas de décréter la reprise pour que ces inégalités se résorbent !
Le SNES-FSU avait immédiatement alerté sur le creusement des inégalités qui résulterait du confinement. Cette période a aussi montré le rôle essentiel des enseignants et de l’école auprès des élèves. Pour le SNES-FSU, résorber ces inégalités passera par un vrai plan sur le court, moyen et long terme. Les stages de vacances annoncés par le Ministre ne suffiront pas. .

Il faut dès à présent envisager le retour en classe et la rentrée prochaine. Le SNES-FSU a déjà interpellé le Ministère sur les dispositifs prévus à la sortie du confinement et pour la rentrée. Il est indispensable de diminuer les effectifs à la prochaine rentrée, revoir les programmes et entamer une réelle réflexion sur ce que doit être l’école d’après. Nous demandons des aménagements permettant de lutter contre le décrochage au retour en classe et à la rentrée scolaire prochaine. L’annulation des suppressions de postes permettrait de limiter le nombre d’élèves par classe, de créer (ou maintenir) des dédoublements, et de créer (ou maintenir) des dispositifs de soutien.

 Au bout de trois semaines, des impacts évidents sur la santé de tous


Les effets du travail à distance sur la santé des personnels sont très lourds. Après 3 semaines, 70% des collègues indiquent que l’augmentation du travail sur écran a des conséquences sur leur santé. Ces troubles sont nombreux et peuvent se cumuler : fatigue (65%), troubles de la vision (64%), mal de dos (60%), stress (54%), troubles du sommeil (46%), douleurs, migraines...
Le SNES-FSU intervient régulièrement dans les CHSCT pour signaler ces problèmes. Mais pour que leur action porte davantage, il est essentiel que les personnels fassent remonter toutes les difficultés liées à cette situation nouvelle en remplissant le registre Santé et Sécurité au Travail (voir notre article). Les élus SNES-FSU proposent également des gestes de protection et des conseils.
=> Voir nos articles :

 Une communication institutionnelle chaotique

Irresponsable, confuse, contradictoire, déconnectée de la réalité, mensongère, faussement bienveillante... les personnels ne manquent pas de mots pour critiquer la communication du Ministre comme de la Rectrice. S’ils comprennent que la période est compliquée, ils dénoncent la communication institutionnelle, sur le fond comme sur la forme et attendent un cadrage beaucoup plus clair des décisions prises.
Depuis les premiers jours de cette crise sanitaire sans précédent, le SNES-FSU est intervenu à tous les niveaux, auprès du Ministre, de la Rectrice, des DSDEN de chaque département pour qu’une communication claire, précise, efficace et adaptée à la situation soit adressée régulièrement à tous les personnels.

Commentaires : « Le peu que j’en entends ressemble à des mensonges... (« nous sommes prêts !!! » ) », « Le ministre ne s’adresse jamais aux enseignants. Il fait de la communication et a à cœur de toucher les parents. », « Nous ne sommes au courant que par les médias », « Déconnectée de la réalité et surtout contraire aux pratiques professionnelles que nous connaissons. », « Les contradictions continuelles sont assez perturbantes d’autant que les familles nous interpellent à ce sujet. », « les chiffres sur les élèves perdus sont un mensonge ahurissant. », « J’ai l’impression d’une opération de communication plus que d’une vraie communication aux personnels. J’ai l’impression d’être informée des choses avec un temps de retard par rapport aux médias. Ils font comme si tout allait bien et que le numérique était LA solution. », « insultante dans son déni de la réalité de nos conditions de travail », « mensonge sur les élèves décrocheurs », « Souvent confuse, souvent à retardement, souvent en réaction à une « boulette » commise par l’un et l’autre des membres du gouvernement (ce qui l’a rend un peu hypocrite à mes yeux), souvent déconnectée de ce qui doit être la réalité de beaucoup de professeurs. », « Je suis choquée par ses interventions sur Youtube ainsi que par ses annonces via la presse qui me semblent indignes d’un Ministre », « elle ne connaît rien au métier », « Inappropriée et déconnectée. », « Rien depuis le message délirant du samedi 14 mars au soir qui demandait aux équipes de se rendre dans leurs établissements lundi. », « son mail de début de confinement était hallucinant. Très autoritaire et directif. Par contre, je n’en ai plus reçu depuis, est-ce normal ? »

 Réouverture des établissements : des garanties sanitaires sont indispensables !

Dans un contexte de contraintes imposées au nom d’impératifs sanitaires bien compris de tous, la date du 11 mai, lancée sans concertation préalable lors de l’allocution présidentielle du 13 avril, comme point de départ de la réouverture progressive de établissements, continue de susciter stupeur et indignation face aux incohérences manifestes et aux revirements successifs dans la politique gouvernementale. Chacun n’aspirerait évidemment qu’à reprendre le chemin de son établissement, et à y voir revenir élèves et collègues, mais encore faudrait-il pour cela que les conditions sanitaires soient effectivement réunies (voir le communiqué du SNES-FSU). Les inquiétudes et interrogations soulevées par le SNES-FSU sont très largement partagées, comme en témoigne le courrier commun de adressé au Ministre de l’Éducation nationale par la FSU, la CGT, la FAEN, le SNALC, le SGEN-CFDT, SUD Éducation, le SE-UNSA la FCPE, la FIDL, l’UNL, le MNL.

Alors, à quand la reprise ? Lorsque pourront être assurées les garanties sanitaires indispensables !
La reprise en présentiel ne peut être guidée par d’autres impératifs que la santé et la sécurité des personnels et des usagers. C’est dans ce sens que la section académique du SNES-FSU Versailles et les élus FSU CHSCT interviennent dès à présent auprès du Rectorat : un cadrage académique fort, concerté avec les élus des personnels, prenant en compte les spécificités de la région Île-de-France, ainsi que les particularités des missions de chaque catégorie d’agents, est indispensable dans la perspective d’une réouverture progressive des établissements scolaires quand les conditions sanitaires le permettront.

=> N’hésitez pas à nous signaler toute initiative locale risquant de mettre en péril la santé et la sécurité des personnels dans votre établissement.

 

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